TDAH et Médication: une question de contexte, pas de dogme ©
Introduction : Deux réalités invisibles qui s'entrelacent
Quand on parle du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), la question de la médication revient souvent, et avec elle, une série de débats parfois très polarisés.
Faut-il ou non prendre un traitement ? Est-ce que cela "soigne" ? N’est-ce pas dangereux ?
Ces questions méritent d’être posées, mais elles ne peuvent pas recevoir de réponse unique, car elles reposent sur un malentendu de fond : le TDAH n’est pas une difficulté "absolue", mais une interaction complexe entre un fonctionnement neurologique et un environnement.

Le handicap : une interaction entre la personne et son environnement
Par définition, un handicap n’est pas simplement une caractéristique individuelle. Il est la conséquence d’une limitation d’activité ou d’une restriction de participation dans un environnement donné (OMS, 2001). Cela signifie que le même individu, avec le même profil de TDAH, peut vivre des expériences totalement différentes selon le contexte dans lequel il évolue.
Prenons deux exemples :
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Un jeune avec un TDAH évolue dans un lycée général, où les attentes portent sur la concentration soutenue, l'organisation autonome, et le travail intellectuel prolongé. S’il n’a pas d’adaptations ou de stratégies, il peut vivre de grandes difficultés, se sentir en échec, perdre confiance en lui, voire décrocher.
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Le même jeune, dans un parcours de formation en paysage, en menuiserie ou en sport-études, peut s’épanouir, trouver du sens dans ce qu’il fait, être actif et mobilisé. Son TDAH n’a pas disparu, mais il ne représente plus une entrave à son développement.
Ce n’est donc pas le TDAH en soi qui est un problème, mais l’inadéquation entre ce fonctionnement neurodéveloppemental et les exigences de l’environnement.

La question de la médication : une décision contextualisée
Dans ce cadre, poser la question de la médication ne peut se faire ni de manière automatique, ni sous l’effet d’une opposition de principe. Il ne s’agit ni d’un traitement miracle, ni d’un mal nécessaire, mais d’un outil parmi d’autres pour réduire un dysfonctionnement quand celui-ci est réel, durable et délétère pour la personne.
Les recherches scientifiques montrent que les traitements médicamenteux (comme le méthylphénidate) peuvent améliorer l’attention, réduire l’impulsivité et favoriser l’autorégulation (Faraone et al., 2021 ; Cortese et al., 2018). Mais ces effets sont transitoires, et ne remplacent pas un accompagnement global. Ils ne "guérissent" pas le TDAH, mais modulent certains symptômes le temps d'action du traitement.
La médication peut donc être une aide précieuse :
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Quand le TDAH empêche un enfant ou un adulte de vivre normalement dans son contexte (école, travail, relations).
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Quand le niveau de souffrance psychologique est élevé.
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Quand les efforts d'adaptation environnementale (aménagements, guidance, psychoéducation) ne suffisent pas.
Mais elle n’a pas à être systématique. Dans certains cas, le réaménagement du cadre de vie, l’adaptation des attentes ou le choix d’un parcours plus compatible avec le fonctionnement de la personne permettent d’éviter le recours aux médicaments.

La médication : un traitement sur mesure
Prendre un traitement pour le TDAH, ce n’est pas comme avaler un cachet de doliprane.
C’est un processus fin, progressif, qui demande souvent plusieurs essais.
Une image qui parle bien : c’est comme aller s’acheter un jean.
Parfois, il faut faire plusieurs boutiques avant de trouver la bonne coupe : il existe en effet plusieurs formes commerciales de médicaments à base de méthylphénidate (Ritaline®, Concerta®, Quasym®, Medikinet®…), ou d’autres molécules proches comme la lisdexamfétamine (Elvanse®).
Elles ont des modes d’action différents (libération immédiate ou prolongée), une durée d’effet variable, et chaque personne peut réagir différemment à chacune.
Et dans chaque boutique, il faut ensuite essayer plusieurs modèles : on ajuste les dosages, on teste différents moments de prise, on observe les effets… Le dosage "standard" est souvent estimé à 1 mg/kg, soit 50 mg pour un jeune de 50 kg, mais sur le terrain, les différences sont parfois énormes.
Certaines personnes ressentent des effets avec des doses bien plus faibles, d’autres ont besoin d’un ajustement très progressif
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Et ce n’est pas figé : le même individu peut avoir besoin d’une dose différente selon le contexte. Une journée d’examen, une réunion importante ou une journée tranquille à la maison n’impliquent pas les mêmes exigences attentionnelles.
La clé, c’est le ressenti de la personne.
C’est elle qui peut dire si le traitement l’aide à se concentrer, à être plus posée, à mieux gérer ses émotions, ou au contraire si les effets sont désagréables. Le rôle du médecin est alors d’écouter, d’ajuster, de construire avec la personne une solution sur-mesure, évolutive et réversible.


Un psychostimulant, pas un psychotrope au sens courant

Il est aussi essentiel de comprendre ce que ce traitement est – et n’est pas.
Le méthylphénidate (et la lisdexamfétamine) est un psychostimulant. Cela signifie qu’il stimule certaines zones du cerveau, notamment les circuits dopaminergiques, pour améliorer l’attention, le contrôle des impulsions et la motivation. Ces circuits sont souvent moins actifs chez les personnes avec TDAH.
Mais il ne s’agit pas d’un psychotrope dans le sens où on l’entend souvent (comme un anxiolytique, un antidépresseur ou un somnifère).
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Il ne modifie pas l’état de conscience.
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Il ne "calme" pas ou ne "shoote" pas les enfants (au contraire, certains se sentent plus éveillés, plus clairs dans leurs pensées).
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Et surtout, il ne crée ni accoutumance, ni dépendance, quand il est pris dans le cadre médical, avec un suivi adapté (Biederman et al., 2008 ; Molina et al., 2009). Les études longitudinales ont même montré que **les jeunes traités précocement ont un risque plus faible d’addictions à l’adolescence et à l’âge adulte, car ils développent une meilleure maîtrise de leurs comportements et de leurs choix.
Conclusion : un choix individualisé, évolutif et intégré dans une démarche globale
Le TDAH n’est pas une condamnation, ni un défaut à corriger, mais une façon différente de fonctionner, qui peut devenir handicapante selon le cadre dans lequel la personne évolue. Ce n’est pas l’intensité des symptômes en soi qui détermine la souffrance ou les difficultés, mais le décalage entre ce fonctionnement et les attentes de l’environnement.
C’est pourquoi la médication ne doit ni être diabolisée, ni présentée comme une solution miracle. Elle peut représenter un outil pertinent, temporaire ou durable, quand un véritable dysfonctionnement s’installe, compromettant l’accès aux apprentissages, à la vie sociale, ou à l’estime de soi.
Mais elle n’a de sens que si elle est choisie en conscience, dans une relation de confiance avec les professionnels, et en accord avec les ressentis et les besoins de la personne concernée.
Il est essentiel de rappeler que la médication n’est pas une fin en soi. Elle doit toujours s’inscrire dans une démarche d’accompagnement global : aménagements de l’environnement, psychoéducation, stratégies de compensation, développement de la confiance en soi, valorisation des forces.
Le bon traitement, c’est celui qui permet à la personne de retrouver de la fluidité dans sa vie, d’accéder à ce qui compte pour elle, sans perdre ce qui fait sa singularité. Il ne s’agit pas de "corriger" le TDAH, mais de redonner à chacun la possibilité d’être acteur de son parcours, dans un environnement qui reconnaît et respecte la diversité des fonctionnements.
Références scientifiques
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Faraone, S. V., et al. (2021). The World Federation of ADHD International Consensus Statement: 208 Evidence-based conclusions about the disorder. Neuroscience & Biobehavioral Reviews.
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Cortese, S., et al. (2018). Comparative efficacy and tolerability of medications for ADHD in children, adolescents, and adults: a systematic review and network meta-analysis. The Lancet Psychiatry.
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Biederman, J., et al. (2008). Does stimulant treatment of ADHD reduce the risk for subsequent substance use disorders? A meta-analytic review of longitudinal studies.
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Molina, B.S.G., et al. (2009). The MTA at 8 years: Prospective follow-up of children treated for combined-type ADHD. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry.
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Wilens, T.E., et al. (2008). ADHD treatment with stimulants and risk of substance use disorders. Pediatrics.
Virginie Blanc Klamm ©
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