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TDAH, anxiété et hypersensibilité : un trio invisible mais puissant

Parfois, on croit juste être "trop" : trop stressé·e, trop sensible, trop réactif·ve. Et si, en réalité, tout cela venait d’un cerveau qui carbure différemment, à commencer par un TDAH méconnu ?

 Pourquoi je me sens submergé·e en permanence ? 

Vous avez déjà eu l’impression d’avoir trop de pensées, trop d’émotions, trop de tout ?
Le matin, vous anticipez ce que vous allez oublier. À midi, vous vous reprochez déjà ce que vous n’avez pas fait. Et le soir, vous vous demandez pourquoi vous êtes si fatigué·e alors que "vous n’avez rien fait".

 

Bienvenue dans la réalité de nombreuses personnes vivant avec un TDAH, souvent sans le savoir, accompagné d’une anxiété chronique et d’une hypersensibilité émotionnelle et sensorielle.

Ce trio redoutable agit en coulisses, discrètement mais intensément.

Et il ne suffit pas de "prendre sur soi" ou de "respirer un bon coup" pour aller mieux. Pour reprendre le contrôle, il faut d’abord comprendre ce qui se joue dans le cerveau. Allons-y.

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 Le TDAH : un trouble bien plus large que l’inattention 

On associe souvent le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) à des enfants qui bougent trop ou qui rêvassent en classe. Mais chez l’adulte, et notamment chez les femmes, il se manifeste beaucoup plus subtilement : fatigue mentale chronique, désorganisation, difficultés à se concentrer, émotions à fleur de peau…

Selon le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013), le TDAH repose sur trois grands axes :

  1. Inattention (oubli, distraction, dispersion)

  2. Impulsivité (paroles qui dépassent la pensée, prises de décision hâtives)

  3. Hyperactivité, qui peut être motrice ou... mentale (pensées incessantes, agitation interne).

Mais ce que le DSM oublie (et que les études rappellent), c’est que la régulation émotionnelle est aussi profondément affectée.

Une méta-analyse de Martel (2009) montre que les personnes avec TDAH présentent une difficulté significative à gérer leurs émotions, même si cela n’est pas un critère diagnostique officiel.

Résultat ? On les traite d’exagérés, alors qu’ils sont neurologiquement câblés pour vivre plus fort.

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 Hypersensibilité et TDAH : quand tout devient "trop" 

Imaginez un cerveau sans filtre, où chaque son, chaque émotion, chaque pensée entre en mode Dolby Surround. Bienvenue dans l’univers de l’hypersensibilité TDAH.

Contrairement à ce qu’on pense, l’hypersensibilité n’est pas réservée aux profils HPI. Dans le TDAH, elle est neurologiquement ancrée. Plusieurs études ont démontré que les personnes avec TDAH présentent une sensibilité sensorielle accrue, notamment aux bruits, aux lumières ou au contact physique (Miller et al., 2007).

Mais cette sensibilité ne s’arrête pas aux cinq sens. Elle touche aussi la sphère émotionnelle. Une remarque banale peut blesser profondément. Une dispute peut donner l’impression d’un cataclysme. Une chanson peut faire pleurer dans le métro.

Le cerveau TDAH présente une sous-activation du cortex préfrontal, zone impliquée dans le contrôle émotionnel, et une hyperactivation du système limbique (Shaw et al., 2014).

Traduction ? Les émotions montent plus vite, plus fort, et redescendent plus lentement. Pas très pratique pour garder son calme en réunion.

Une étude de Greven et al. (2019) établit aussi un lien direct entre le TDAH et la Sensory Processing Sensitivity, un marqueur biologique de l’hypersensibilité. Bref, ce n’est pas "dans votre tête". C’est dans votre cerveau.

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 TDAH et anxiété : un cerveau qui anticipe... trop 

"L’anxiété, c’est dans ta tête."
Oui. Et justement, dans un cerveau TDAH, cette tête n’arrête jamais.

L’anxiété dans le TDAH est rarement une pathologie isolée. C’est souvent une conséquence naturelle d’un fonctionnement cognitif atypique.

Prenons un exemple concret :
Vous oubliez souvent des rendez-vous →
Vous anticipez vos oublis →
Vous préparez tout 3 fois →
Vous êtes stressé·e même quand vous avez tout prévu →
Vous vous épuisez →
Vous oubliez encore →
Et le cycle recommence.

Selon une revue de Caye et al. (2018), entre 34 et 50 % des personnes TDAH souffrent d’un trouble anxieux associé. L’une des explications majeures : l’intolérance à l’incertitude, fréquente dans ce profil (Cornacchio et al., 2020). Le moindre "je ne sais pas" devient source de panique.

Autre concept clé : la Rejection Sensitivity Dysphoria (RSD), décrite par le Dr William Dodson. Il s’agit d’une hypersensibilité au rejet, vécue comme une attaque personnelle et douloureuse. Une remarque neutre devient une remise en question identitaire. Cela peut mener à des stratégies d’évitement, d’auto-sabotage, voire à des crises émotionnelles fulgurantes.

Femme tenant des temples

 Ce que disent les neurosciences 

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🧠 Résumons :

Le cortex préfrontal dorsolatéral (le "chef d’orchestre" du cerveau) est sous-activé → mauvaise régulation.

Le système limbique (le centre émotionnel) est en surrégime → émotions amplifiées.

Le système dopaminergique (la dopamine, c’est la motivation) fonctionne en dent de scie → fatigue, procrastination, recherche de stimulations immédiates.

Tout cela crée un cerveau ultra-réactif, peu filtré, et épuisé.

Arnsten (2009) a montré que ces déséquilibres neurochimiques expliquent en partie les fluctuations émotionnelles intenses, l’impulsivité et la vulnérabilité au stress dans le TDAH.

 Des pistes concrètes pour souffler (enfin!) 

Quand on comprend que le TDAH ne se résume pas à "être distrait" mais qu’il implique une vulnérabilité émotionnelle, une surcharge sensorielle et une fatigue mentale permanente, on réalise à quel point il est essentiel d’aménager son quotidien pour retrouver un peu d’espace intérieur.

Et non, cela ne signifie pas tout chambouler du jour au lendemain, ni devenir quelqu’un d’autre. Il s’agit plutôt d’un réajustement en douceur, une manière de se réconcilier avec soi-même et de sortir du mode survie.

La première étape, c’est souvent de poser un nom sur ce qu’on vit. Pour beaucoup de personnes, recevoir un diagnostic (ou même simplement s’informer sérieusement sur le TDAH) agit comme un soulagement : "Ah… donc ce n’était pas de ma faute." Reconnaître que ses réactions ne relèvent ni d’un défaut de caractère ni d’un manque de volonté permet de sortir de la culpabilité et d’amorcer un changement avec bienveillance.

Ensuite, il faut apprendre à se protéger de la surcharge. Ce cerveau, qui capte tout, ressent tout et pense tout en même temps, a besoin de calme pour fonctionner. Cela peut passer par un environnement moins bruyant, moins agressif visuellement, plus structuré. Ce ne sont pas des caprices, mais de vraies stratégies de régulation sensorielle. On peut, par exemple, réduire les stimulations visuelles inutiles, aménager un espace de travail apaisant, privilégier des transitions douces entre les activités. Chaque petit détail compte lorsqu’on vit déjà avec un bruit de fond interne permanent.

Femme méditant calmement
Femme se relaxant en plein air

Mais le calme extérieur ne suffit pas. Il est aussi nécessaire d’apprendre à apaiser l’intérieur.

Les techniques de respiration, la cohérence cardiaque, les pratiques de pleine conscience ne sont pas des recettes magiques, mais elles peuvent vraiment faire une différence, à condition d’être adaptées au fonctionnement TDAH (rythmées, concrètes, courtes). Certaines thérapies, comme les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) ou l’approche ACT (Acceptance and Commitment Therapy), permettent également de mieux comprendre ses schémas de pensée anxieux, d’accepter son fonctionnement sans jugement et de retrouver de la marge de manœuvre émotionnelle.

Et puis, il y a la dopamine. Ce fameux messager chimique, souvent en déficit chez les personnes avec TDAH, explique en partie le besoin de nouveauté, de mouvement, de stimulation constante. La bonne nouvelle, c’est qu’il est tout à fait possible d’aller chercher la dopamine dans des sources saines et durables : des activités qui enthousiasment, qui mobilisent le corps, qui nourrissent l’esprit. Faire du sport, jouer d’un instrument, créer, rire, apprendre : toutes ces actions libèrent de la dopamine… et renforcent l’estime de soi en bonus.

À l’inverse, certaines habitudes comme la surconsommation de sucre, les écrans en boucle ou la procrastination déguisée en perfectionnisme peuvent apporter un soulagement immédiat, mais finir par aggraver la fatigue et l’anxiété.

Enfin, il est crucial de ne pas rester seul·e dans ce cheminement. On avance plus vite, et surtout plus sereinement, quand on se sent compris. Cela peut passer par un accompagnement thérapeutique, un coaching spécialisé TDAH, un groupe de parole ou même des lectures et podcasts éclairants. Ce qui importe, c’est de s’entourer de personnes capables de dire "Je comprends ce que tu vis" sans minimiser, sans conseiller à tout prix, mais simplement en étant là.

Il n’y a pas de solution unique, pas de protocole miracle. Mais il y a des ajustements concrets, progressifs, puissants, qui, mis bout à bout, permettent enfin de sortir de cette impression d’être toujours en décalage, toujours trop, ou toujours pas assez.
C’est une manière de retrouver son axe, son énergie… et sa place.

 En conclusion : trop sensible, mais pas trop fragile 

Si vous vous êtes reconnu·e en lisant cet article, sachez une chose :
Vous n’êtes pas seul·e. Et vous n’avez rien à réparer.

Le TDAH, l’anxiété et l’hypersensibilité ne sont pas des défauts de fabrication. Ce sont des manifestations d’un cerveau intensément vivant, qui a besoin d’attention, de structure et de douceur.

Et si on arrêtait de vouloir "calmer" ce feu intérieur pour plutôt apprendre à le canaliser ?
Car ce qui vous fait vaciller est aussi ce qui, bien guidé, peut vous faire briller.

Virginie Blanc Klamm ©

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